~ Indonésie ~ Le Sud du pays Toraja : Londa, Lemo, Kambira et Ke’te Kesu

Aujourd’hui c’est le jour de ma grande balade en vélo ! Je parcours tout de même l’équivalent de 24596 pas.

Je me rend chez ma loueuse de vélo. Hier on s’est mises d’accord sur tout, mon vélo est censé être prêt pour que je parte à 8h. Bien sûr quand j’arrive c’est loin d’être le cas. Elle n’a pas la clef pour l’anti-vol et me dit d’aller voir ailleurs si je ne suis pas contente. Je vais donc voir ailleurs mais les vélos sont moins bien et ils n’ont pas d’anti-vol non plus ou plutôt ils en ont plein mais aucunes clefs. Je fini donc par prendre le vélo de départ car il est vraiment mieux et je repasse dans ma chambre pour chercher mon super cadenas à chaîne pacsafe. A chaque fois que je m’arrêtais quelque part les gens me faisaient des réflexions sur le vélo en disant qu’il était super beau et en me demandant si je l’avais ramené de France ! Je ne passais pas inaperçue encore une fois.


Une fois prête je pars donc pour mon périple au Sud de Rantepao.

C’est agréable d’être en vélo ! Je me sens libre d’aller où je veux, c’est très facile d’observer les paysages et je peux m’arrêter vraiment facilement. Les voitures et les camions qui me doublent passent assez loin de moi. Ce n’est pas dangereux je pense (moins qu’à Lyon ! ). Par contre c’est très très loin d’être plat et la route est cabossée de partout, quand elle existe… alors ça fait travailler les cuisses !

Je me rend d’abord sur le site de Londa.
Je sais que c’est un des endroits les plus visités ici mais je ne sais pas à quoi m’attendre. En arrivant je suis la seule touriste, il est assez tôt, et je suis accueillie par une dizaine de Toraja qui s’ennuient.

Je me rend ensuite sur le site à proprement parler.

Il s’agit de grottes servant de caveaux. A l’entrée on trouve les fameux Tau tau. Les sculptures en bois à l’effigie des personnes décédées. Pour pouvoir les placer ici il faut payer le prix de 24 buffles !

L’entrée est très belle car les cercueils sont mis directement dans la roche, se mélangeant à la nature.

Je n’aime pas trop trop aller dans les grottes, c’est un secret pour personne, mais une grotte remplie de crânes et complètement noire car sans aucun éclairage me tente encore moins, surtout toute seule. Je suis contente de voir arriver un couple d’indonésiens, habitant à Jakarta et venu en vacances dans la région. Je leur explique que j’ai peur d’aller dans les grottes seule et leur demande si je peux aller avec eux. Ils sont super gentils et la femme n’est pas beaucoup plus rassurée que moi 😉 Ils acceptent donc que je vienne avec eux.

L’intérieur de la grotte est assez impressionnant, il y a des cercueils, des ossements et des offrandes : des cigarettes, des bouteilles d’eau, de l’alcool… Si on ne sait pas que ce sont des offrandes on peut facilement penser que c’est sale.

Il y a deux grottes principales, une avec plusieurs pièces. On peut même aller très loin dans la roche si on est prêt à ramper dans les tunnels.

Après ça je me rend à Lemo. Encore pour voir des tombeaux, il n’y a que ça à voir dans la région, cependant ici ça n’a rien de morbide contrairement à ce qu’on pourrait croire vu de l’extérieur.

En arrivant sur le site on est accueilli par une série de tau tau avec de grands yeux blancs avec des pupilles bien noires, les bras tendus vers l’extérieur.

Ils sont à l’extérieur de la falaise et à l’intérieur il y a les caveaux dont on ne voit que les portes. A l’intérieur les caveaux peuvent faire 8m de long, ils sont long à creuser.

Ici seuls les membres d’une grande famille descendant d’un très grand chef Toraja, il y a des centaines d’années, peuvent être mis en caveaux.

La nature aux alentours est très belle, des rizières, des buffles et des collines.


Je suis contente d’être venue en pays Toraja, cette visite a été la plus dépaysante et la plus riche en découvertes culturelles de toutes les visites que j’ai faites depuis que je suis partie de France. Je décide donc de m’offrir un petit souvenir, une fois n’est pas coutume, et j’achète un couple de tau tau réalisé par un artiste local très sympa qui m’explique comment il fait pour réaliser les vrais tau tau.

Les cheveux sont souvent réalisés en fibres d’ananas. Ça rend très bien et apparement c’est solide et ça résiste longtemps aux intempéries.

Je repars ensuite pour Kambira, qui est beaucoup plus au Sud. Je m’arrête en route pour manger un vrai repas qui change des cup noodle ou martabak que je mange depuis que je suis arrivée ici pour revenir dans mon budget. Ici les spécialités ne sont pas très nombreuses et consistes surtout en de la viande cuite dans des bambous comme celle que j’ai pu manger pendant les funérailles. En tant normal comme dans le reste de l’Indonésie ils mangent du riz 3 fois par jour.
J’arrive enfin au site de Kambira, assez fatiguée par la route. Ici il y a des tombes de bébés. Pour les Torajas un bébé est un enfant qui n’a pas encore de dent.

La mort d’un bébé est vécue difficilement ici et pour leur donner une vie ils les mettent dans des arbres. Ils creusent un trou dans le tronc de l’arbre et ensuite place le bébé debout dedans. Ils pensent ainsi que l’enfant va pouvoir continuer de grandir avec l’arbre et ainsi avoir une vie. C’est une très belle croyance je trouve.

L’arbre en lui même n’est pas très impressionnant. Il y a des portes pour refermer les caveaux. Quand l’arbre pousse il « absorbe » le bébé et on ne voit plus que la marque dans l’arbre une fois la porte tombée.

Je recroise un couple de français que j’avais aperçu à Lemo et qui me trouve un peu folle de parcourir la région à vélo toute seule. On discute pendant un long moment de voyages, ils ont parcouru le monde eux aussi pendant leur vacances ces 20 dernières années. Ça fait du bien de discuter avec des gens car ici il n’y a pas de voyageurs solos et les gens en général ne sont pas très bavards.

Je repars ensuite sur la deuxième route pour Rantepao, passant par une autre vallée. Je suis heureuse de constater que la route n’est pas aussi vallonnée que la première, bien qu’elle ne soit toujours pas plate.

Un sculpteur de tau tau

Un sculpteur de tau tau


Je m’arrête en route dans le village traditionnelle de Ke’te Kesu.

Je retrouve le couple de français, impressionné que j’arrive juste après eux en vélo alors qu’ils sont en scooter.

Le village est un peu décevant. Il faut payer 20000 roupies comme partout ici. Et le village est moins beau que des villages que j’ai pu voir gratuitement pendant les visites. J’ai un peu l’impression de m’être fait arnaquer.

Mais ensuite je sors mon guide et je m’aperçois que derrière le village il y a des tombeaux. Ils sont en effet indiqués par une mini pancarte en langage Toraja que je ne comprend bien sur pas ! Ici ils ne facilitent vraiment pas le tourisme étranger bien qu’ils souhaitent le développer…

un sculpteur

un sculpteur

Les tombeaux valent vraiment le coup. Ils sont différents de ceux que j’ai vu auparavant. Il y a d’abord une partie « moderne » où des gens probablement très riches se sont construits des tombeaux un peu extravagants.

Ensuite il y a la partie très ancienne. Les cercueils étaient suspendus sur la falaise.

Avant les cercueils étaient souvent en forme de cochons.

Je rentre ensuite à Rantepao, contente de laisser le vélo car la selle n’est pas très confortable 😉

Je trouve que le vélo est une bonne solution pour visiter la région si on est en bonne condition physique et qu’on n’aime pas trop faire du scooter. C’est bien plus agréable et plus rapide que de prendre les transports en commun, inconfortables et difficiles à comprendre quand on ne parle pas indonésien !

En chemin les gens ont été vraiment sympas, je les intriguais beaucoup, ils me disaient bonjour, où vas-tu ? et m’indiquaient si je prenais bien la bonne route. Beaucoup m’ont dit aussi que j’étais folle de faire ça en vélo. Ici ils ne font plus beaucoup de sport, même presque plus de marche à pied et ça se ressent sur leur santé, en plus du fait que 98% des hommes fument. Avant l’espérance de vie était de 95ans et maintenant les gens meurent autour de 75 ans, en seulement une génération !

~ Indonésie ~ Sulawesi – un jour calme à Rantepao

Aujourd’hui je décide de me reposer et s’organiser ma journée de demain. Je n’ai pas réussi à dormir à cause de l’insolation et je suis un peu fatiguée. Pour obtenir des informations ici c’est assez compliqué. Mon hôtel est absolument d’aucun secours car il ne connaît rien sur tout. La seule chose qu’il peut faire c’est me louer un scooter. Toutes mes questions sont restées sans réponses. Tous les gens à qui j’ai posé des questions m’ont dit que je ne pouvais rien faire seule et que je devais prendre un guide ou un chauffeur.

Je suis allée à l’office du tourisme officiel qui a lui aussi proposé de me vendre les services d’un guide ou d’un chauffeur à moto.

Au final j’ai regardé sur internet et je me suis dit que je pouvais faire les visites au sud de Rantepao en vélo. Les distances ne sont pas trop grandes et j’espère que ce n’est pas top vallonné.

Pour louer un vélo ça a de nouveau été compliqué. Il n’y a pas beaucoup de bureaux touristiques ce qui est surprenant quand on sait que la ville vit du tourisme.

Je finis par me rendre à un festival organisé par l’office du tourisme de la ville et là une personne connaît quelqu’un qui loue un vélo ! Hourra !

Le festival est réalisé en l’honneur de l’indépendance de l’Indonésie. Il y a donc des défilés d’enfants comme on avait vu dans les autres îles auparavant, le discours d’un politique (leurs élections sont en décembre alors les politiques sont en pleine campagne !) et de la danse traditionnelle.

J’étais contente de voir la danse. Les danses ici ne sont pas très dynamiques et les danseuses se contentent de faire des petits pas et des mouvements de bras et de mains.

J’ai aussi pu discuter avec un homme très sympa qui s’occupe de promouvoir le tourisme de sa région et qui parle très bien français. Il m’a demandé de remplir un questionnaire pour lui et en échange il m’a expliqué plein de choses.

Il m’a entre autre montré les photos d’une cérémonie à laquelle je n’ai pas pu assister et qui a lieu tous les ans ici. La cérémonie consiste pour chaque famille à sortir les corps momifiés de ses ancêtres et à les habiller avec de nouveaux habits.

Il m’a expliqué que parfois les corps sont gardés 15 ans dans les familles avant qu’elles n’aient assez d’argent pour réaliser les funérailles. La momification est donc nécessaire.

Il a aussi déploré le fait que de plus en plus de buffles sont tués pendant les cérémonies juste pour montrer aux autres qu’on est plus riche qu’eux. Le gouvernement à limité le nombre à 300 pour une cérémonie suite à des cérémonies où plus de 500 buffles avaient été égorgés !

Dans le petit musée situé au centre de Rantepao (qui est par ailleurs très vide !) j’ai pu voir quelques momies.

Le café, une spécialité locale

Le café, une spécialité locale

L'église qui surplombe le village

L’église qui surplombe le village

~ Indonésie ~ Sulawesi, randonnée en pays Toraja : de Pallawa à Batu Tumonga 

Le programme du jour : parcourir 22916 pas dans les rizières entre Pallawa et Batu Tumonga. Les rizières du mont Tumonga sont réputées pour être les plus belles de la région.

Sur la route on s’arrête pour voir le marché aux animaux de Pasar Bolu qui a lieu tous les 6 jours. C’est un grand marché qui vend plein de trucs dont les animaux destinés aux sacrifices pendant les cérémonies.

Il y a d’abord une partie réservée aux cochons. Ils sont tous saucissonnés sur des bambous ou enfermés dans des sacs pour les plus petits. Ils ne sont pas vendus au poids mais au diamètre de leur ventre qui est mesuré avec une corde, puis avec les bras.

Ils me font vraiment mal au cœur. Avant d’être vendu ils sont élevés dans des mini enclos de 2m sur 2m maximum contenant plusieurs cochons.

Ensuite il y a la partie destinée aux buffles. Ils sont des centaines et ils me font un peu flipper ! Leurs muscles sont vraiment impressionnants. La plupart sont calmes heureusement mais certains sont plus agressifs.

Chaque type de buffle à un nom différent, suivant sa couleur : il y a un nom pour les buffles noirs avec la tête blanche, un pour ceux qui ont juste une petite tache noir en haut du corps… Je ne les ai pas retenu !! Pour être de bonne qualité le buffle doit avoir des épis dans son pelage et des marques blanches sous la gorge. Je n’ai pas très bien compris mais je crois que s’il n’a pas les marques blanches il n’est pas sacré et ne peut pas être sacrifié. Toute la culture Toraja est construite autour de cet animal il y a donc beaucoup de chose à dire à son sujet !!

Le reste du marché est plus classique mais sympa.
Il y a les étales avec tout le matériel pour chiquer par exemple. Ce sont surtout les vieilles dames qui chiquent et leur gencives deviennent rouges ce qui n’est vraiment pas très ragoûtant !

Il y a aussi beaucoup de piment et de café.

Ensuite nous remontons dans une des voitures qui servent de bus ici. On est bien tassés à 11 dans la voiture plus les courses de tout le monde. Il y en a qui ont acheté des plaques électriques et même des toilettes ! Je suis bien plus grande que la moyenne des gens ici alors je touche le plafond et avec la « route » qui n’est pas une route l’heure de transport pour parcourir les 4 km me paraît interminable !

La randonnée ensuite est très belle. On marche dans plein de rizières différentes ce qui n’est pas évident car il n’y a pas de chemin et il ne faut évidemment pas marcher dans le riz. Du coup on se retrouve à faire de la poutre, de l’escalade et des sauts.

Les paysages sont très beaux !

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Le riz traditionnel

un tombeau

un tombeau entrain d’être creusé

Le riz moderne

Le riz moderne

On peut observer aussi la fabrication du vin de palme. L’arbre est coupé, et la sève (déjà fermentée) est récupérée 2 fois par jour dans des bambous.


On croise de nombreux buffles qui ne sont pas attachés ce qui ne me rassure pas trop.

D’ailleurs ce buffle n’a pas aimé que je le prenne et photo et il s’est mis à me courser… Heureusement que le guide était là avec son bâton pour le faire reculer. Je n’ai plus trop fait de photo de buffle après ça bizarrement !

On croise aussi les enfants qui rentrent de l’école. Ici ils n’ont école que le matin souvent de 7h30 à 12 h et vont ensuite aider leurs parents à ramasser du riz ou à cueillir de l’herbe pour le buffle. Je les intrigue beaucoup et ils sont super fiers de me dire « hello miss ! ». La jeune génération ne m’appelle presque pas mister ce qui fait plaisir 🙂


Dans les rizières on peut aussi observer des enfants qui « jouent » avec les oisillons de la rizière et leur lance-pierre. Pas très sympa comme vision.

Le soleil tape très fort aujourd’hui malgré la pluie qui menace et il n’y a aucune ombre. J’ai beau être bien protégée ça ne suffit pas et ce soir j’ai une belle insolation.

~ Indonésie ~ Sulawesi, à la découverte des rites funéraires en pays Toraja

Avant que vous ne lisiez ce post je préfère vous prévenir : je décris ici les cérémonies funéraires auxquelles j’ai assisté aujourd’hui. Il y a des sacrifices d’animaux et les photos peuvent être dérangeantes pour certaines personnes.

Avant de raconter la journée parlons des Torajas :

Les Torajas sont 1800000 aujourd’hui. Ils vivent à Sulawesi Sud principalement mais aussi dans tout le reste de l’Indonésie pour trouver du travail. Ils étaient au départ athées puis animistes (religion maintenant appelée Aluk To Dolo). Depuis 100 ans seulement ils ont été christianisés puis pour une partie islamisés.

Ils ont longtemps vécu coupés du reste du monde et ont donc développé leur propre mode de vie, leur propre culture qu’ils savent préserver aujourd’hui.

Dixit Wikipedia : « Le mot Toraja vient du mot de la langue bugis « to ri aya », qui signifie « gens d’en-haut ». Le gouvernement colonial hollandais donna à ce peuple le nom de Toraja en 1909. Les Torajas sont renommés pour leurs rites funéraires élaborés, leur sites funéraires taillés dans les falaises rocheuses, leurs maisons traditionnelles massives aux toits en pointe connues sous le nom de tongkonan, et leurs sculptures sur bois colorés. »

Les maisons Torajas traditionnelles sont magnifiques et sont composées d’une maison principale, comprenant 3 chambres, et de greniers à riz ayant la même forme que la maison principale mais en plus petite et ne contenant qu’une pièce. Plus la famille est riche plus elle a de greniers à riz (quitte à ce qu’ils soient vides, c’est un signe de puissance et d’appartenance aux castes supérieures).

Leur forme imite le museau des buffles ainsi que celle de bateaux.

Elles sont décorées de peintures représentant des animaux, des buffles, des oiseaux et des insectes, ou des plantes.

Elles sont vraiment impressionnantes et magnifiques.

Sur le fronton il y a toujours un buffle (un faux en sculpture, ou un dessin de buffle) ainsi que la peinture de 2 coqs. Ces 2 coqs symbolisent le courage et l’intelligence animalière et aussi la paix entre les tribus Torajas. Cette tradition date de l’époque où les querelles étaient nombreuses et les gens s’entre-tuaient. Il a donc été décidé par un des chefs que les gens ne se battraient plus entre eux mais feraient se battre deux coqs à leurs places : la victoire irait à l’équipe du coq gagnant. Les combats de coqs sont aujourd’hui interdits mais toujours pratiqués par les animistes pendant les funérailles car c’est une étape symbolique pour eux. (Les chrétiens par contre n’aiment pas les combats de coqs apparement)

Sur la façade il y a aussi les cornes des buffles qui ont été sacrifiés lors des enterrements. Ces cornes sont très précieuses et ne peuvent être achetées. Elles sont offertes au défunt comme on le verra plus tard et sont un signe de respect et de remerciement.

Il y a également parfois des mâchoires de cochons. Celles-ci sont gardées après l’inauguration de la maison. Encore une fois elles symbolisent la richesse de la famille qui a pu acheter autant de cochons pour la fête.

Les maisons traditionnelles ne sont pas confortables alors ils ont maintenant un autre type de maison « à l’américaine » comme dit le guide. Il y a aussi des maisons de style bugis (autre peuple vivant plus au Sud et à l’Ouest de l’île) bien qu’il n’y ai pas de bugis qui vivent ici. Ils ont juste copié leurs maisons qui sont très belles, montées sur pilotis.

Les Torajas ont à cœur de conserver la forme traditionnelle de leur maison alors parfois ils combinent les deux :

Ils construisent aussi souvent un grenier à riz traditionnel dans la cour d’une maison moderne.

Passons maintenant au récit de la journée d’aujourd’hui :

Je me lève tôt ce matin, et je commence par chercher de l’eau et un endroit pour manger un petit déjeuner. Autour de mon hôtel il n’y a que des petits warungs servants tous la même chose alors je me rabat sur un mie goreng (les nouilles sautées), je n’ai pas très faim et ce n’est pas très bon alors je laisse une bonne partie de mon assiette.

A 9 h comme prévu je retrouve mon guide Anis et nous partons pour la première cérémonie. Chez les Torajas la cérémonie des funérailles est la plus importante. Plus importante que le mariage m’a dit le guide. La cérémonie dure plusieurs jours entre 4 et 7 jours, et a plusieurs étapes.

Le mort n’est pas enterré tout de suite après sa mort, pour laisser le temps à la famille d’organiser l’événement et à la famille qui habite loin d’organiser son voyage. Le mort sera donc enterré entre 5 mois et plusieurs années après son décès. Pendant tout ce temps il sera conservé dans sa maison dans du formol. Tant qu’il n’est pas enterré on ne dit pas qu’il est mort. On dit qu’il dort. La famille continue à lui préparer chaque repas et lorsqu’il est prêt à aller le « réveiller » en disant des phrases du genre : « papa il faut te lever le repas est prêt ».

Pour les Torajas si une personne meurt quand elle est âgée et de sa belle mort comme on dit chez nous, ce n’est pas trop triste (bien sûr ils sont un peu triste quand même) mais normal et ça permet aux personnes d’accéder à temps au paradis. Par contre si une personne jeune meurt ou un enfant, là ce n’est pas pareil. Les gens sont alors très tristes.

Les Torajas sont majoritairement chrétiens, il y a 20% de musulmans et des animistes. Les rites funéraires auxquelles j’ai assisté ne concernent bien sûr pas les musulmans.

Pour la fête ils construisent un village spécial sur le terrain de la maison du défunt pour accueillir les invités. Il y a plein de maisons numérotées dans lesquelles les gens sont accueillis la journée et dans lesquelles dorment les membres de la famille proche la nuit. Le village sera démoli à la fin de la semaine.

Il y a aussi bien sûr plusieurs éléments destinés au mort : son cercueil, une charrette humaine dans laquelle il sera placé pour la procession et une maison dans laquelle il sera placé après la procession et pour le reste des jours jusqu’à l’enterrement (ou plutôt la mise en caveau, qui n’est pas enterré mais creusé dans la roche).

Le premier jour est un jour plutôt privé où le mort est accueilli dans son cercueil et placé dans le soubassement d’un des greniers à riz.
Le lendemain a lieu la procession.
Le jour d’après l’accueil des invités.
Ensuite viennent les grands sacrifices animaliers.
Et après l’enterrement à proprement parlé.

Le matin j’ai d’abord assisté au troisième jour de la cérémonie pour un professeur directeur mort il y a 5 mois. Tous les invités doivent amener des cadeaux. J’ai amené une cartouche de cigarettes, achetée par mon guide.

Quand on arrive un membre de la famille nous reçoit dans une des petites pièces, nous parle et nous offre à boire et à manger.

Pour la cérémonie de réception des invités, chaque famille ou groupe invité défile dans la cour du village et est reçu pendant un moment par la famille.
Pendant le défilé certains chantent.
Ils sont toujours accompagnés (et précédés) par les petits enfants du défunt habillés en costumes traditionnels. Le costume est très beau.

les petites filles entrain d'attendre et de jouer

les petites filles entrain d’attendre et de jouer

Ouverture de la cérémonie en musique (elles jouent de la musique avec la cuve utilisée pour préparer le riz)

Ouverture de la cérémonie en musique (elles jouent de la musique avec la cuve utilisée pour préparer le riz)

Ils ouvrent le défilé en dansant et en riant

Ils ouvrent le défilé en dansant et en riant

Ensuite il y a des danseurs / chanteurs qui font parti du village qui font des danses en récitant un poème de condoléance en langue toraja.

Il est coutume d’offrir des buffles ou des cochons lors des funérailles.
L’âme des animaux tués est censée accompagner l’âme du défunt au paradis et lui tenir compagnie. Pour les chrétiens c’est aussi souvent un cadeau fait par les enfants à leurs parents décédés en symbole de tout ce qu’ils ont fait pour eux au cours de leur vie. Plus il y a de buffles mieux c’est.
Il n’est pas rare qu’il y en ait 15, 30 voir plus si la famille est grande et riche. Les buffles sont très chers, plus de 100 millions de roupies. (un repas classique ici ça coûte 8000 roupies max aux locaux pour avoir une idée de l’échelle).

Les buffles ne sont tués que pendant les cérémonies funéraires (ou les mariages). Ils ne sont élevés que pour ça. Si le buffle est albinos avec une tache noir sur le dos c’est encore mieux, il vaut alors jusqu’à 800 millions de roupies ! Une fortune.

Lorsque tous les invités sont là ils font alors la liste des animaux et de qui les a amenés.

Le gouvernement prend une taxe sur chaque animal sacrifié : 200000 roupies pour un cochon, payés directement par les invités. La taxe sur les buffles est quant à elle payée par le famille, et est beaucoup plus chère.

Les sacrifices ont lieux tous les jours afin de nourrir les invités mais le plus grand nombre de sacrifices à lieux le 4iem jour. Rien n’est jeté ni perdu.

Les cochons sont amenés saucissonnés et vivants et posés par terre, prisonniers jusqu’à leur mort. Leurs cris sont assez terribles. Surtout multiplié par 100, 200 voir 300.

Après la cérémonie de réception des invités, nous sommes partis rejoindre une deuxième cérémonie, cette fois celle d’un homme important de la région qui est mort à 95 ans. Sa maison est très grande et la cérémonie aussi.

Aujourd’hui c’est le jour de la procession. C’est le jour le plus spectaculaire je pense pour les touristes comme moi qui venons assister. Quand on arrive on est encore une fois accueilli, avec échange de cadeaux, gâteaux et boissons. Après 12h15, quand le soleil est descendant la cérémonie de procession peut commencer.

En attendant le début de la cérémonie, on patiente en fumant, en discutant

En attendant le début de la cérémonie, on patiente en fumant, en discutant

et en recevant les condoléances

et en recevant les condoléances

Un petit garçon joue avec un sac plastique, indifférent à la fête

Il y a des danseurs qui dansent et chantent. Ils rient beaucoup et très fort. J’ai demandé au guide pourquoi il m’a dit que c’est pour entraîner les gens de la foule à la fête.

les femmes et leur sac traditionnel, contenant les cigarettes

les femmes et leur sac traditionnel, contenant les cigarettes

Le cercueil est ensuite placé dans la charrette humaine. Ca prend un certain temps.

Le cercueil dans le grenier à riz

Le cercueil dans le grenier à riz

Les hommes portent le cercueil

Les hommes portent le cercueil

puis attachent les bambous

puis attachent les bambous

Après les hommes portent la charrette et les femmes se placent devant sous un grand tissu rouge symbolisant le courage. Devant il y a aussi un « collier » en bambou qui sera placé sur la maison du mort en attendant son enterrement. Et encore devant il y a des buffles (tenus en laisse encore heureux car ils sont mégas impressionnants !!). Pour le défilé les cornes des buffles sont décorées spécialement.

On a ensuite une procession, qui ne défile pas bien loin les gens n’aiment pas marcher ici ! Le cercueil est secoué dans tous les sens, les hommes courent avec, reculent, sautent… et les femmes tentent de ne pas se faire écraser (J’ai été avec elles tu ne fais pas la fière quand ils t’arrivent dessus à toute vitesse !).Le cercueil est ensuite ramené à son point de départ et là à lieux une énorme bataille d’eau. Les gens finissent trempés et mort de rire (moi avec bien sur, ils sont contents de pouvoir arroser une bule 🙂 )

Le mort est ensuite placé dans sa maison temporaire.

Le toit de la charrette, en forme de nez de buffle lui aussi, est gardé et sera placé au dessus de son tombeau à la fin de la semaine.

Une fois le mort placé il y a eu des danses, des processions d’invités comme ce matin et des sacrifices. J’ai assisté au sacrifice d’un des buffles. Ils sont égorgés ce qui est très rapide. Par contre une fois à terre il a mis un moment avant de vraiment mourir.

Après il est dépecé (mais ça je n’ai pas voulu y assister) et découpé. Les meilleurs morceaux sont offerts à des gens des plus hautes castes, à la famille, au maître de cérémonie… Et les autres sont vendus aux enchères. Les gens achètent la viande et la ramène chez eux au bout d’un bout de ficelle ou d’un bout de bambou.

L’odeur est assez forte car l’ensemble prend un long moment et le soleil tape fort.

Les cochons quant à eux sont éventrés, éviscérés et leur ventre est brûlé.

Ils sont ensuite découpés, assaisonnés avec du sel, de l’oignon et de la menthe (beaucoup de menthe !) et cuits à l’intérieur de bambous, à l’étouffé.

Ils nous ont servis le porc après à manger à 15h mais je n’avais pas très faim. La chaleur était grande et le porc un peu rosé. Vu les conditions d’hygiène j’ai juste goûté un tout petit bout : c’est très bon.

La journée se termine par des combats de buffles (les combats de coqs c’est interdit à cause des bagarres pas pour la cause animale…). Les combats de buffles sont autorisés car les paris réalisés dessus sont avec des sommes plus élevées (la logique je ne l’ai pas très bien comprise …) Je me suis dit que j’allais rester pour voir. Ca ne m’a pas du tout plu. Je me suis préparé à de la violence mais pas du tout. Les spectateurs étaient pour la plupart bien éméchés et vu les remarques qu’ils me faisaient j’étais contente d’être accompagnée par un guide. Les buffles quant à eux n’avaient pas du tout envie de se battre et se passaient à côté en s’évitant poliment.

Ce qui m’a vraiment déplu s’était l’obsession des hommes à vouloir que ces bêtes se tapent dessus. Ils les poussaient l’un contre l’autre, criaient, les repoussaient dans l’autres sens… Tant d’énergie dépensée pour créer une bagarre inexistante et inutile c’était vraiment dérangeant et je suis partie en plein milieu du « combat ».

Cette journée à été riche en émotions et en découvertes. J’ai beaucoup aimé m’immerger dans la façon de penser si différente des gens d’ici même si c’était aussi éprouvant.

Je suis heureuse d’avoir pris un guide malgré le prix : les cérémonies étaient difficiles d’accès et les codes sont très différents de nos codes. Je pense que je n’aurai pas compris grand chose sans guide. Et plusieurs fois je n’osais pas aller à un endroit ou prendre des photos et mon guide m’a dit que je pouvais le faire sans problème. Au contraire il y a de petites choses comme par exemple le fait qu’il ne faille pas rester devant l’entrée d’un grenier à riz qui ne me seraient pas nécessairement venues à l’esprit.

~ Indonésie ~ Sulawesi, de Makassar à Rantepao : arrivée au pays de la mort

Aujourd’hui je parcours les 320km entre Makassar et Rantepao en plus de 10h. Ca vous donne une idée de l’état des routes ici ! La station de bus est excentrée alors je prend un taxi pour m’y rendre. Le mec de l’hôtel indique où je dois me rendre au chauffeur, qui n’écoute pas et qui naturellement ne me dépose pas au bon endroit. C’est pas grave je suis dans les locaux de la compagnie de bus et non dans la gare routière mais ils m’acceptent quand même de me garder après négociation. Après un moment je suis rejointe par d’autres personnes. On ne peut pas monter directement dans le bus par contre. On doit faire le trajet entre les locaux et la gare en mini bus tout défoncé, en parallèle du bus vide ne contenant que nos bagages. Puis monter dans le bus une fois dans la gare. Je n’ai pas tout à fait compris la logique de la logistique mais ici il faut souvent ne pas chercher à trop comprendre !

Une fois dans le bus, on attend plus d’une heure. Personne ne parle anglais alors je ne suis pas sûre mais je crois qu’on attendait une dame en retard. On part enfin mais le bus n’est pas plein alors les chauffeurs font des détours dans la ville en criant : « Toraja, Toraja », essayant de rameuter du monde ! Je me demande si ça marche parfois et si les gens se disent : « tient aujourd’hui au lieu d’aller faire mes courses je ferai bien 10h de bus finalement pour rejoindre l’autre côté du pays » et montent dans le bus à l’improviste…

Une fois parti le trajet est vraiment beau, il aurait été dommage de le faire de nuit (il n’y a que deux départs 9h et 21h).

On passe d’abord à l’Ouest près de la côte où on peut observer la mer et les maisons bugis sur pilotis.

Miam des pâtes au citron, ça change !

Miam des pâtes au citron, ça change !

Ensuite on revient plus au centre dans les montagnes et on commence à voir les fameuses maisons Torajas 🙂

Les paysages sont à couper le souffle. Je n’ai pas pu prendre beaucoup de photo malheureusement mais j’en ai pris une pendant une pause :

Ca donne une petite idée même si ce n’était pas l’endroit le plus beau.


Après de longues heures et plusieurs arrêts où les gens ont été super sympas avec moi et me faisaient des signes pour m’expliquer ce qui se passait, on arrive enfin.

A peine descendue du bus je suis accostée par un guide, Yohanis mais qui se fait appeler Anis. (Ici ils ont des prénoms chrétiens ils sont plus faciles à retenir pour moi ! ) On discute longtemps et on finit par se mettre d’accord sur un prix. Il sera donc mon guide pour les deux prochains jours : demain on part voir des funérailles et après-demain on fera une randonnée dans les rizières. Les guides sont chers ici, leur tarifs sont alignés et sont les mêmes pour une heure, une journée, une personne ou 10 personnes. En étant seule je paye donc le prix fort mais je pense que la culture ici est difficile à appréhender seule alors ça vaut le coup.